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Les Enfants de Nobodaddy

Joie ! Les Éditions Tristram nous gâtent avec cette première publication en un seul volume de trois romans (allons même jusqu’à dire chefs d’œuvre) d’Arno Schmidt Scène de la vie d’un faune, Brand’s Haide, Miroirs noirs.

Description de la vie en Allemagne depuis l’époque nazie jusqu’aux années d’après guerre, ce qui frappe avant tout à la lecture du plus grand écrivain allemand de la seconde partie du XXème siècle c’est ce style fulgurant absolument inimitable et iconoclaste. Un éclair dans la nuit. Vous n’avez jamais rien lu de tel. Arno Schmidt, c’est l’aventure, c’est la découverte d’un nouveau territoire linguistique et poétique.

Tour de force de traduction de Nicole Taubes et du regretté Claude Riehl, édition augmentée d’une préface de Marie Darrieussecq, notes de Nicole Taubes, Hubertus Biermann et Stéphane Zékian : Tristram a mis les petits plats dans les grands pour le retour en majesté en librairie d’une œuvre à part et absolument révolutionnaire.

Un coup de cœur de Christophe.

Le Déluge

En 2013, Tony, océanographe, publie un livre alarmiste sur les conséquences du réchauffement des eaux. En parallèle et sur une vingtaine d’années, plusieurs personnages vont jouer un rôle capital pour tenter de juguler ou pour décrier l’effondrement à venir. De Shane, à la tête d’une cellule écoterroriste, à Jacky, publicitaire travaillant pour un fond d’investissement, en passant par Keeper, le junkie, sans oublier l’iconique Kate Maris, militante écologiste pacifique, et aussi Ashir, spécialiste des modèles de prédictions, ce sont toutes les répercussions politiques, économiques et sociétales qui sont décrites et analysées à travers leurs destins.

Résultat d’un travail colossal, ce roman est un véritable électrochoc qui prédit de façon hyperréaliste ce qui nous attend si nous ne réagissons pas très vite et très radicalement à la situation. Une très grande réussite littéraire également grâce à une construction romanesque brillante et une galerie de personnages poignants.

Humainement bouleversant !

Un coup de cœur d’Odile.

Histoire d’une domestication

« L’actrice » qu’est notre protagoniste et qui ne sera jamais nommée fut une comédienne mondialement connue, exubérante, excentrique, enflammée… le personnage que tout le monde attend d’une actrice trans en Argentine. Mais il y a peu, elle a chamboulé toutes les prédictions à son sujet : elle s’est mariée (à un homosexuel), a adopté un enfant (séropositif) et ne joue plus sur scène que La Voix humaine de Cocteau. L’histoire d’une domestication traditionnelle… ou bien, paradoxalement, un pas de côté ?

Après Les Vilaines, Camila Sosa Villada nous offre une autre face, complémentaire, de la vie des femmes transgenres en Argentine, toujours avec une maîtrise incroyable autant de ses sujets que de sa plume, jonglant entre violences et joie d’être soi.

Un coup de cœur pour Mathilde, Julie et Caro.

Question 7

Dans ce récit, Richard Flanagan évoque le terrible camp de travaux forcés d’Ohama (le chemin de fer de la mort) où son père aurait dû mourir si le terrible bombardement d’Hiroshima n’avait pas abouti à la capitulation du Japon. Et cette bombe atomique n’aurait peut-être jamais existé, si un certain H.G. Wells n’avait pas écrit un roman d’anticipation au début du XXème siècle. Et l’auteur ne serait pas né en 1961 en Tasmanie et n’aurait pas voulu s’interroger sur le génocide perpétré par les colons britanniques sur les aborigènes. Et il n’aurait pas failli se noyer à 21 ans et vécu une expérience traumatisante qui lui fit prendre conscience de l’infime frontière entre la vie et la mort.

De ces enchaînements d’événements autour du vivre et du mourir, Richard Flanagan tire un récit aux accents sombres et bouleversants dont se dégage une lumineuse réflexion humaniste et pacifiste. Quant à la « Question 7 », elle vient d’une nouvelle de jeunesse de Tchékov, et je vous laisse la découvrir. Splendide.

Un coup de cœur d’Odile.

Vous êtes l’amour malheureux du Führer

Au procès de Nuremberg, Albert Speer, l’architecte d’Hitler puis son ministre de l’Armement, échappe à la condamnation à mort en déclarant qu’il ignorait la situation dans les camps. Il se déclare innocent individuellement mais coupable collectivement. Il est condamné à 20 ans de prison et publie ses mémoires dès sa sortie en 1969, devenant même une star des médias en brandissant la culpabilité allemande et en racontant tous ses souvenirs de sa « collaboration » avec Hitler. Car il fut le grand metteur en scène du IIIème Reich et de sa folie des grandeurs architecturales.

En retraçant ce parcours, Jean-Noël Orengo décrit la relation de « favori » de Speer et la façon dont il gagne de plus en plus de responsabilités. Il tente aussi de comprendre comment ses mensonges ont convaincu ses juges et pourquoi sa version de l’histoire reste encore aujourd’hui la plus crédible aux yeux de certains.

Un roman troublant qui nous rappelle les rapports ambigus entre l’art et le pouvoir et qui trouve une résonance inquiétante avec ce XXIème siècle gangréné par les fake news.

Un coup de cœur d’Odile et de Christophe.

Tarentule

En 1984, la famille d’Eduardo Halfon vit aux États-Unis, fuyant la situation politique dramatique du Guatemala. Le père d’Eduardo décide pourtant d’y envoyer ses deux fils pour participer à un camp de survie pour enfants juifs. Au bout de quelques jours, les enfants sont réveillés brutalement et confrontés à des situations déroutantes.

Quarante ans plus tard, l’auteur revient sur ces journées traumatisantes et tente de comprendre le pourquoi de ces événements. D’autant plus qu’il retrouve Regina, une des adolescentes ayant participé au camp, ainsi que Samuel Blum, l’instructeur en chef.

Au fil de ses romans, Eduardo Halfon construit une œuvre singulière qui sonde ses origines paternelles et maternelles, sa judéité, sa condition d’écrivain et chaque ouvrage devient une pièce du puzzle de sa vie et de celle de sa famille.

Brillant !

Un coup de cœur d’Odile.

Si peu

Si peu et pourtant un si grand amour ressenti par la narratrice de ce roman.

Pendant près de 40 ans, une femme, concierge dans une école à Rome, va aimer passionnément un professeur de lettres. Cet amour ne sera jamais révélé ou partagé et constituera pourtant la composante essentielle de la vie de cette femme. À la fois lucide et parfois complètement égarée, elle nous raconte son quotidien presque toujours vécu en regard de sa passion secrète.

Un roman à la fois bouleversant et cruel, superbement écrit, autour d’un personnage féminin et d’un amour absolu bien loin des clichés habituels.

Un coup de cœur d’Odile.

Propre

À 33 ans, Estela a quitté le sud du Chili pour Santiago où elle est employée de maison chez un couple. Pendant 7 ans, elle travaille du lundi au samedi, envoyant de l’argent à sa mère et logeant dans une minuscule pièce annexe à la cuisine. Elle est aussi en charge de la petite fille, née peu après son arrivée, et qui devient assez vite capricieuse.

Dès l’ouverture du roman, nous savons qu’un drame est arrivé : la fillette est morte. C’est Estela qui nous raconte son histoire alors qu’elle est assise dans une salle d’interrogatoire et s’adresse au miroir sans tain derrière lequel elle imagine que des gens l’observent et l’écoutent.

Un livre coup de poing qui fait vivre au lecteur la réalité d’une situation d’assujettissement et d’invisibilité face à la puissance de la fonction sociale et de l’argent.

Un coup de cœur d’Odile.

Bien-être

Après des mois à s’épier depuis leurs studios voisins, Jack et Elizabeth se sont rencontrés, aimés, mariés et ont eu un enfant. Entre leur rencontre et leur présent, 20 ans se sont écoulés et leur amour semble s’être effrité. Il est photographe mais végète en donnant des cours d’histoire de l’art. Elle travaille à la clinique du « Bien-être » où elle propose des remèdes très, peut-être trop, « innovants » à ses clients. Leur fils Toby, 8 ans, ne leur facilite pas le quotidien et le couple a investi toutes ses économies dans un appartement dont la rénovation prend de plus en plus de retard.

Dans ce roman d’envergure, Nathan Hill autopsie une histoire d’amour, un couple, une famille, mais aussi deux êtres distincts avec leur passé, leurs secrets, leurs failles. Naviguant allègrement entre passé et présent, il scrute également deux époques : les années 90 et ce XXIème siècle dominé par la technologie et les réseaux sociaux.

Un roman qui mêle habilement le réalisme au romanesque, l’humour à l’émotion et qui nous questionne sans cesse sur notre rapport au monde.

Un coup de cœur d’Odile.

Le Club des enfants perdus

Armand et Birke forment un couple sublime et talentueux. Tout deux comédiens reconnus, ils ont atteint la cinquantaine avec plénitude et toujours le même enthousiasme pour leur métier. Leur fille, Miranda, ne leur ressemble pas : enfant chétive, adolescente timide et effacée, elle est devenue une jeune femme très seule vivant toujours chez ses parents et en proie à de terribles moments dépressifs. Mais la dépression est-elle la seule explication de son état ?

Le roman commence avec le récit d’Armand, ce bon vivant, mari et père aimant, désemparé parfois de ne pouvoir comprendre sa fille. Vient ensuite le récit de Miranda qui va nous éclairer sur sa personnalité, bien loin des apparences, et sur son étrangeté.

Dans ce superbe roman, Rebecca Lighieri nous entraîne sur des chemins tortueux où la réalité frappe de plein fouet les plus sensibles et les perceptions extra-sensorielles les fragilisent dramatiquement. Un roman bouleversant qui se dévore dès les premières pages et qui pointe rageusement notre manque de réactivité face à la déliquescence du monde et l’incompréhension générationnelle.

Un coup de cœur d’Odile.

Le Syndrome de l’Orangerie

Alors qu’il visite l’Orangerie et devant les Nymphéas de Monet, Grégoire Bouillier ressent un malaise qui ne se dissipe qu’une fois sorti du bâtiment. Mais comment expliquer ce phénomène, alors que ces panneaux seraient plutôt synonymes de sérénité ou de méditation ?

Voilà donc notre auteur transformé à nouveau en Bmore, le privé (voir Le Cœur ne cède pas), afin d’élucider ce mystère. Et de nous lancer à sa suite dans la vie et l’œuvre du peintre à la recherche du moindre indice permettant de renforcer la conviction de l’auteur : les panneaux de nymphéas renferment des événements dramatiques.

Avec ce nouveau roman, Grégoire Bouillier nous interpelle, nous stimule et nous amuse. Car ses recherches, ses voyages, ses rencontres et bien sûr des expériences personnelles sont prétexte à des interprétations à la fois ingénieuses, intelligentes, sensibles ou surprenantes de l’œuvre de l’artiste. Le tout agrémenté des ces pointes d’humour (mention spéciale à l’onomatopée « Rhoo ») et d’autodérision subtilement distillées. Jubilatoire !

Un coup de cœur d’Odile.

Ann d’Angleterre

À la suite d’un grave accident vasculaire, la mère de Julia Deck, Ann, 84 ans, se retrouve en urgence vitale. Son côté droit est paralysé et le diagnostic arrive assez vite : il ne lui reste que peu de temps à vivre. Face à cette situation dramatique, Julia doit composer avec des services hospitaliers déficients qui tentent de reléguer la patiente dans des zones « mouroirs », sans soins adaptés. Car Ann a repris conscience et tente de communiquer.

L’autrice va se démener pour aider sa mère tout en évoquant son parcours depuis Billingham, Angleterre, en tentant d’éclairer certaines zones d’ombres sur cette famille anglaise avec laquelle elle a toujours gardé contact. Et peut)être répondre à une question qui la taraude depuis longtemps.

Pour la première fois, Julia Deck s’attaque à l’autofiction et c’est une réussite : alternant passé et présent, elle retrace non seulement l’histoire de sa mère, du moins ce qu’elle en sait, mais aussi la sienne, sans complaisance, dans une écriture fluide où affleurent régulièrement humour et autodérision, et toujours consciente de la complexité de l’entreprise. Brillant !

Un coup de cœur d’Odile.

Rien de spécial

En 1967, Mae, 17 ans, voudrait quitter l’appartement new-yorkais décati où elle vit avec sa mère et vivre enfin des expériences inattendues. À la suite de rencontres aussi désagréables qu’incongrues, elle se fait engager en tant que dactylo dans la fameuse Factory d’Andy Warhol. Son job : retranscrire des dizaines de cassettes audio contenant des conversations enregistrées dans l’entrepôt. Elle y rencontre Shelley, qui devient sa meilleure amie et assiste au défilé de celles et ceux qui hantent les lieux en quête de célébrité. Mais la lassitude et le désenchantement ne sont pas loin…

En abordant l’histoire de la Factory et de son célèbre artisan par le biais des personnes de l’ombre, l’autrice porte un regard innovant non seulement sur un artiste mais aussi sur le foisonnement créatif et subversif des années ’60. Elle dresse aussi le portrait original d’une jeune femme décalée, consciente de ses failles et tentant envers et contre tout d’avancer.

Une très belle réussite littéraire inédite et interpellante.

Un coup de cœur d’Odile.

Viande

Dans une ville apocalyptique où les animaux et la végétation ont disparu, la seule subsistance est la chair humaine. Le narrateur de ce roman raconte cliniquement son quotidien de lutte perpétuelle pour obtenir cette viande tout en restant en vie.

Entre absurdité, cruauté, délation et ignominie, c’est une société cauchemardesque et totalitaire que dénonce l’auteur qui a connu la Tchécoslovaquie sous régime communiste et a écrit ce texte en 1981.

Publié dans la collection Pb 82, ce livre s’inscrit dans une ligne éditoriale non-conformiste : « (…) Contre l’hégémonie du feel good, nous croyons en effet aux vertus émancipatrices du feel bad : il n’y a que l’inconfort qui nous questionne, il n’y a que l’inconnu qui nous fasse réfléchir (…). »

Approuvé à 100%. Un éditeur et une collection à suivre sans réserve.

Chemins de fer du Mexique

Gian Marco Griffi nous livre avec Chemins de fer du Mexique – Un roman d’aventure un premier roman aussi fou qu’ambitieux.

Dans les pas de Gadda, de Thomas Pynchon et dans un enchevêtrement de la réalité typique des postmodernes, il nous livre une histoire rocambolesque ; février 44 en Italie, Cesco Magetti, un jeune soldat sans histoire se voit confier une drôle de mission : établir une carte des chemins de fer du Mexique.

La quête est évidemment aussi absurde qu’elle en a l’air. Point de départ au picaresque, variant les registres de langue et d’écriture, on prend plaisir à se perdre dans une narration aussi gargantuesque que tentaculaire.

Le roman dans ce qu’il peut nous offrir de plus beau : l’accès à un autre monde.

Un coup de cœur de Christophe.

Le Tombeau

Sur les hauteurs de Domrémy un vieil ermite se laisse aller au souvenir de celle qu’il a côtoyé et qui est morte il y a des années, brûlée vive sur le bûcher, Jeanne d’Arc. Chacun sa croix.

Sans aucune volonté d’alimenter le roman national français, Marc Graciano n’est ni historien, ni théologien ou même prosélyte, il est poète et il nous livre ce roman de pure sensation porté par une des plus belles langues de la littérature contemporaine, Le Tombeau nous restitue toute la poétique de la terre et du ciel, le chant des oiseaux comme sémiotique mystique.

Un coup de cœur de Christophe.

Reus, 2066

Après L’Anarchiste qui s’appelait comme moi basé sur son homonyme et L’Instant décisif développé à partir de sa date de naissance, Pablo Martin Sanchez termine sa trilogie avec un roman d’anticipation situé dans sa ville natale, Reus, en 2066.

Ce nouvel opus nous plonge dans un futur où la péninsule ibérique, isolée du monde et sans électricité, a été évacuée suite à une succession d’événements et de décisions dramatiques prises au niveau mondial. Certains résistent dont une dizaine de personnes réfugiées au Pere Mata. Parmi elles, le double de l’auteur, âgé de 89 ans, a décidé d’écrire le journal de cette survie difficile.

Pablo Martin Sanchez nous captive une fois de plus avec ce récit où s’entremêlent non seulement les épreuves d’un quotidien angoissant, mais aussi de l’humour et des références littéraires passionnantes. Un romancier à lire de toute urgence pour l’originalité de sa démarche littéraire et pour son formidable sens de la narration.

Un coup de cœur d’Odile.

Chiennes de garde

Le premier ouvrage traduit de l’autrice mexicaine Dahlia de la Cerda est un coup de poing ! Treize nouvelles qui racontent à travers les yeux d’autant de narratrices le Mexique d’aujourd’hui. Des femmes aux profils variés qui permettent de brosser un portrait social et politique de ce pays profondément misogyne.

Féroces, puissantes, incisives, elles vont tout faire pour régler leurs problèmes, (se) faire justice.

Implacable !

Un coup de cœur partagé par Mathilde, Odile et Charlotte.

Le Volume du temps (Vol.1&2)

Pour Tara Selter, demain n’existe pas : elle est bloquée dans la journée du 18 novembre. Que faire dans une telle situation ?

Tenter de raconter le phénomène à ses proches, tout en sachant qu’ils auront tout oublié dès le matin suivant ? Revivre la journée à la recherche d’un incident, même minime qui expliquerait cette anomalie temporelle ? Accepter un quotidien immuable, une saison immuable ou partir vers des ailleurs ?

Mon conseil est de vous laisser enfermer avec Tara dans cette boucle du temps et de vous autoriser à vivre, à son rythme, une expérience interpellante et addictive qui analyse subtilement l’existence et le passage du temps.

Un roman intelligent et surprenant dont cinq autres volumes sont encore à paraître.

Un coup de cœur d’Odile.

Premières à éclairer la nuit

Dans ce roman-récit, Cécile A. Holdban choisit quinze écrivaines-poétesses du XXème siècle qu’elle aime particulièrement (Marina Tsvétaïeva, Alejandra Pizarnik, Fourough Farrokhzad, Sylvia Plath,…) et imagine une lettre écrite par chacune d’elles à un(e) proche. Par ce processus, elle évoque une vie, une passion, une œuvre et les obstacles rencontrés. Car beaucoup de ces écrivaines ont connu un destin funeste, une vocation empêchée par les chaos de l’histoire, par leur milieu social, par la maladie et surtout, parce que femmes. Et bien que plusieurs de ces écrivaines sont parties trop tôt, leurs écrits ont laissé une trace puissante et indélébile dans la littérature.

Un superbe livre qui ne peut que vous donner envie de lire ou de relire ces grandes poétesses.

Un coup de cœur d’Odile.

Aliène

Fauvel accepte de venir s’isoler dans une maison de campagne pour garder Hannah, la chienne (adorée) du père de son amie Mado. Les chiens c’est pas trop son truc à Fauvel, et Hannah est un peu particulière, elle est le clone d’une première chienne. Bien qu’identique, la nouvelle chienne est beaucoup plus agressive que l’originale et provoque rumeurs et peurs, d’autant que des cadavres d’animaux sont retrouvés. Fauvel commence à se sentir traquée dans cette campagne qui lui semble hostile, entre les groupes de chasseurs, des récits troubles d’extraterrestres et la présence de la chienne.

Rêve halluciné, réalité glaçante, les frontières des genres se brouillent. C’est un ovni, un roman social teinté de science-fiction, dans une ambiance inquiétante. Surprenant second roman, addictif, a l’écriture contemporaine et fournie, un véritable coup de cœur d’Odile et Charlotte.

L’Origine des larmes

Pour avoir tiré deux balles dans la dépouille de son père, Paul Sorensen doit rendre des comptes à la justice. Accusé d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, il est condamné à un an de réclusion avec sursis et à une prise en charge médico-psychologique obligatoire pendant une année. À raison d’une séance par mois, le Dr Guzman va entendre le récit de la haine vouée à ce père odieux, manipulateur et magouilleur.

Dans ce nouveau roman, Jean-Paul Dubois dépeint un homme ayant souffert d’un tel manque d’amour et de reconnaissance, qu’il s’est retranché dans une zone intermédiaire de l’existence où les interactions sont réduites malgré une grande richesse d’esprit.

« Devenus ce que nous pouvions, étant ce que nous étions. »

En situant son histoire dans un futur proche, 2030, où le monde est en proie à des pluies perpétuelles, l’auteur renforce ce sentiment de quotidien flouté où le soleil ne fait plus que de rares apparitions.

Un roman d’une grande élégance pour décrire une immense tristesse.

Un coup de cœur d’Odile.

Le Sang des innocents

Titus Crown, ancien agent du FBI, est le premier shérif noir de son comté. Il essaie de trouver sa place et tente de pacifier les tensions entre les communautés de cette Amérique rurale hantée par ces fantômes.

Lattrel, un jeune homme noir, va commettre une fusillade dans son ancien lycée et révéler une affaire bien plus sordide.

Thriller passionnant, très prenant, où chacun a sa part d’ombre, mais certains plus que d’autres…

Un coup de cœur de Charlotte !

L’Homme aux mille visages

Sonia Kronlund, qu’on connaît de l’excellente série de podcast « Les Pieds sur Terre », mène ici une enquête glaçante, à la frontière du thriller. Elle s’intéresse à un homme qui ment, avec brio, à plusieurs femmes en même temps, chacune persuadée de vivre en couple avec ce « Ricardo », « Daniel » ou encore « Alexandre ».

Manipulateur de génie ? Dangereux mythomane ? Malhonnête mais amoureux ? Qui se cache derrière ces multiples identités ?

Un récit vif et prenant sur cet homme caméléon, aussi effrayant que captivant.

Un coup de cœur de Charlotte.

Châtiment

« Il y a quelqu’un qui tue des Blancs ici, et le même homme noir est retrouvé mort sur chaque scène de crime. »

Voilà résumée en une phrase par une protagoniste du roman la situation improbable à laquelle doit faire face la ville de Money, Mississippi. Dépêchés sur les lieux par le MBI, Ed et Jim, duo d’agents spéciaux et « pas seulement parce qu’ils sont noirs », vont tenter de comprendre qui se cache derrière ce qui ressemble à des punitions contre des auteurs de crimes raciaux. Pour cela, ils devront faire face d’un côté au racisme et à la bêtise ahurissante des rednecks, et de l’autre à une communauté noire suspicieuse parmi lesquels Mama Z, incroyable personnage ayant répertorié tous les hommes, femmes et enfants victimes de lynchage aux États-Unis depuis 1946.

En forçant le trait jusqu’à la provocation, Percival Everett signe un roman à la fois jubilatoire et terrifiant pour dénoncer les violences raciales commises aux États-Unis depuis des siècles.

Un humour décapant pour une dénonciation magistrale.

Un coup de cœur d’Odile.

Je vais entrer dans un pays

Tout au long de sa courte vie Benoît Labre parcourt l’Europe jusqu’à l’épuisement.

Avec justesse et pudeur Guillaume Marie nous narre l’histoire de ce vagabond de Dieu, seule gloire française du XVIIIe siècle d’après Verlaine. Dans une écriture dépouillée d’ornementations en écho au dénuement du pèlerin nous partons sur les chemins d’une solitude qui d’abord confrontée au rejet finira par provoquer à son corps défendant une certaine fascination. Une mystique à bas bruit.

Un coup de cœur de Christophe.

Zorrie

« Zorrie Underwood était connue dans tout le comté pour avoir travaillé dur depuis plus de cinquante ans, aussi fut-elle troublée quand enfin la houe se mit à lui glisser des mains, le couteau à éplucher à lui glisser des doigts, le souffle à s’échapper en bouffées courtes de ses poumons et, au beau milieu de la journée, il lui fallut s’allonger. »

Avec ce nouveau roman, Laird Hunt nous entraîne dans les pas d’une femme de l’Indiana tout au long du XXème siècle.

Ayant perdu ses parents très jeune, Zorrie connaît une enfance triste auprès d’une tante peu affectueuse, puis une jeunesse difficile à la recherche d’emploi dans une Amérique en pleine Grande Dépression, avant de revenir en Indiana, sa terre, et de s’y marier avec un fermier. C’est toute une vie de labeur intense entrecoupée de moments de pur bonheur mais aussi de drames liés aux remous du siècle que nous donne à voir ce portrait de femme. Courageuse et empathique, Zorrie est aussi tourmentée par des pensées qui l’assaillent et la laissent comme étourdie.

Un livre poignant à l’écriture subtile et un prénom étrange qui restera longtemps dans vos mémoires.

Un coup de cœur d’Odile !

Fabriquer une femme

Il y a Rose et il y a Solange.

Elles ont 15 ans, sont amies et voisines. Rose est amoureuse de Christian et se demande si elle devrait coucher avec lui lors du voyage scolaire à Madrid. Quant à Solange, elle est enceinte et se répète comme un mantra : « … ça ne peut pas être en train d’arriver… »

Issues de milieux différents, elles suivront des parcours singuliers jalonnés de rêves, de désirs, d’erreurs, d’accomplissements et de désillusions.

Réaliste et finement observé, ce roman nous offre aussi une formidable immersion dans les années ’80 et ’90 avec leurs codes, leur musique et leurs évènements marquants. Addictif !

Un coup de cœur d’Odile.

Hors d’atteinte

Marcia Burnier sait décidément parler des plaies laissées (sur la peau et dans le cœur des femmes) par les hommes violents. Dans Les Orageuses, reconstruction sonnait avec vengeance, courage et sororité. Avec Hors d’atteinte, l’autrice offre à ses lecteurices une seconde version de la guérison : que se passe-t-il quand on n’a plus de force ?

Lorsqu’Erin, à bout de souffle, quitte son compagnon qui l’a convaincue pendant cinq ans qu’elle n’était bonne qu’à avoir peur, elle se réfugie dans les Pyrénées. Elle décide d’y panser ses blessures seule, avec sa chienne et ses montagnes.

Une étreinte pour celleux qui en ont besoin, assurément un beau roman pour les autres et en tout cas un coup de cœur pour Mathilde !

Proust, roman familial

Laure Murat nous livre le récit de sa découverte de Proust et du moment de bascule que cela a été dans sa vie.

La littérature nous change en profondeur, nous révèle à nous-même, nous émancipe et c’est de cette expérience dont il est question ici. Ses arrière-grands-parents figurent dans La Recherche, ce monde révolu de l’aristocratie est celui de l’autrice et c’est paradoxalement cette lecture qui va la déciller de son milieu social et lui permettre de s’extraire de ses normes, qu’elles soient morales ou sexuelles.

Un récit qui ne peut que raisonner chez celles et ceux dont la lecture a changé la vie.

Un coup de cœur de Christophe.

La Trilogie de Copenhague – Enfance

Écrite entre 1967 et 1971, cette trilogie danoise est enfin rééditée en français.

Dans ce premier volume, l’auteure, née en 1917, nous raconte donc son enfance dans une famille très modeste, entre un père ouvrier souvent sans emploi et une mère au foyer que le ressentiment rend violente. Avec son frère aîné, ils vivent tous dans un petit appartement de deux pièces où aucune intimité n’est possible.

Pour survivre à la dureté de cette existence, Tove se réfugie très tôt dans les livres et dans l’écriture. Mais son désir de devenir poète est soit incompris, soit moqué par sa famille. Car le seul destin possible d’une fille de son milieu et de son époque est de travailler dès 14 ans et de se marier. Pourtant, la jeune Tove continue d’écrire ces phrases qui lui traversent l’esprit et la rendent heureuse envers et contre tout.

Dans un style où la métaphore poétique est omniprésente et sous-tend un désespoir latent, Tove Ditlevsen nous enchante et nous interpelle.

« L’enfance est longue et étroite comme un cercueil, on ne peut pas s’en échapper sans aide. »

Un bijou dont on attend avec impatience les deux prochains tomes à paraître en 2024.

Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Fink-Thullesen.

Un coup de cœur d’Odile.

Babysitter

Far Hills, banlieue chic de Detroit en 1977. Hannah, bientôt la quarantaine, vit dans sa luxueuse maison avec mari et enfants. Lors d’une soirée, elle tombe sous le charme d’un homme qui, en quelques mots et un frôlement de poignet, lui redonne le sentiment d’être belle et désirable. Elle se lance dans une liaison avec ce parfait inconnu qui ne dévoile que ses initiales : YK.

À la même époque sévit dans la région un tueur en série surnommé Babysitter, il tue des enfants qu’il abandonne nus, leurs vêtements soigneusement pliés à leurs côtés. Et le danger pourrait bien menacer la banlieue chic…

Portrait cruel et corrosif d’une élite blanche gavée d’apparences, ce nouveau roman de Joyce Carol Oates vous laissera stupéfaits par son autopsie impitoyable d’une communauté où le racisme, le sexisme, l’ignorance, la bêtise et la naïveté mèneront inéluctablement à des drames. Une nouvelle brillante réussite de l’incroyable autrice américaine.

Un coup de cœur d’Odile.

Une fille de province

Johanne Rigoulot revient sur un sordide « fait divers » dont la coupable est une de ses amies d’enfance de Chalon-sur-Saône, Sara.

Au-delà du récit, l’autrice analyse la ville périphérique, son aménagement urbain, son impact sur l’humain. Johanne Rigoulot cherche le point de bascule, ce qui fait diverger deux destins. Sara grandit du mauvais côté de la ville et de la vie, côté précarité et violence sociale. C’est à travers elle, qu’est interrogé aussi le traitement de la santé mentale et la question judiciaire des vies abîmées, le soin.

Un coup de cœur de Charlotte.

Conquest

Frank a toujours été un garçon singulier.

Dès l’adolescence, il développe une passion pour Bach parallèlement à la certitude que des extra-terrestres ont colonisé la Terre et nous livrent une guerre latente. À l’âge adulte, il disparaît lors d’un séjour à Paris où il devait rencontrer des « amis » croisés sur des sites dédiés. Face à l’indifférence de la police concernant la disparition d’un adulte, Rachel, sa compagne, fait appel à une détective privée, Robin, pour mener une enquête.

Nina Allan est passée maître dans l’art de semer le trouble dans les esprits les plus cartésiens. Avec une formidable empathie pour ses personnages qu’elle ne juge jamais, elle aborde très originalement les multiples défis sociétaux de ce XXIème siècle et signe un impressionnant roman à tiroirs.

Un coup de cœur d’Odile.

La Sentence

Après avoir purgé une peine de prison d’une dizaine d’années, Tookie, amérindienne, trouve du boulot dans une librairie de Minneapolis. Devenue une lectrice compulsive en prison, elle adore son métier et conseiller les clients. Mais lorsque Flora, une cliente fidèle, décède, son fantôme vient hanter le lieu et inquiète particulièrement Tookie.

Situé entre 2019 et 2020, le roman évoque aussi un quotidien confronté à la pandémie et au meurtre de George Floyd, meurtre qui ravive les souffrances subies par les natifs américains.

Plus que jamais, Louise Erdrich dénonce le racisme endémique aux États-Unis et les problèmes rencontrés par la communauté amérindienne, mais elle nous livre aussi un superbe éloge de la lecture et des librairies indépendantes.

Un coup de cœur d’Odile.

La Ville introuvable

Dans la Chine du début du XXème siècle, l’histoire d’amour compliquée de Lin Xiangfu et de Xiaomei nous entraîne dans une suite d’aventures ébouriffantes. Entre incroyable voyage du nord au sud du pays, la description de la vie quotidienne à l’époque, les catastrophes naturelles ou les terribles exactions des troupes de brigands qui terrorisent la population, ce sont les soubresauts de vies malmenées par le destin qui alternent avec quelques moments purement burlesques.

Un grand roman qui polarise toutes les émotions.

Un coup de cœur sinophile d’Odile.

Plus jamais

Une femme nous raconte sa passion amoureuse pour un homme et leur histoire tortueuse et destructrice.

Sans aucune complaisance, Megan Nolan nous livre un portrait de femme moderne avec ses failles et ses complexes, à la fois consciente de la toxicité de sa relation et incapable d’y mettre un terme.

Un excellent roman qui aborde frontalement la complexité des rapports amoureux et la persistance des comportements sexistes.

Un coup de cœur d’Odile.

Les Naufragés du Wager

Une enquête ambitieuse et réussie, autour des quelques survivants de ce terrible naufrage au large de la Patagonie. Dans des conditions plus que chaotiques et hostiles, ces hommes tentent de survivre et de revenir, après avoir franchi le cap Horn et heurté des rochers.

Une littérature du réel à son sommet, une histoire passionnante, glaçante, qui nous emporte à bord du vaisseau de ligne de Sa Majesté. David Grann fouille l’histoire et les âmes.

Formidable et épique, à lire !

Un coup de cœur de Christophe et Charlotte.

L’Enfant dans le taxi

Lors de l’enterrement de son grand-père, Simon apprend l’existence d’un oncle dont la famille n’a jamais parlé. Il s’agit d’un enfant conçu par le grand-père alors qu’il faisait partie des forces d’occupations françaises en Allemagne en 1946.

Face à l’ignorance ou au déni de presque toute sa famille, il décide de mener sa propre enquête alors qu’il vit personnellement des moments difficiles suite à une séparation.

D’une écriture limpide, l’auteur raconte un secret de famille sans jamais tomber dans le cliché et renouvelle le genre avec ce livre profondément émouvant.

Un coup de cœur d’Odile.

Le Dernier revival d’Opal & Nev

Dans les années ’70, Opal et Nev ont constitué un duo qui a marqué les esprits, en particulier lors d’un dramatique événement survenu pendant une de leurs prestations. Opal, africaine-américaine, et Nev, anglais, ont finalement suivi des carrières très différentes mais vont se reformer pour un ultime « concert hommage ». La jeune rédactrice en chef d’une revue musicale veut écrire leur histoire à laquelle elle est intimement mêlée.

Écrit sous la forme d’interviews de tous les protagonistes et témoins de l’histoire du duo et entrecoupé des réflexions de la rédactrice, ce roman évoque non seulement l’industrie musicale de l’époque mais aussi les luttes pour les droits civiques des afro-américains à travers le portrait d’Opal, une femme libre et rebelle.

Un formidable roman impossible à lâcher.

Un coup de cœur d’Odile.

Trust

Aux États-Unis, le krach de 1929 provoque une récession presque sans pareil. Pourtant, à New York, un homme déjà très riche réussit à en profiter pour engranger une fortune colossale. Avec sa femme qui se consacre à la philanthropie, il forme un couple à la fois respecté et mystérieux. Des secrets se cachent-ils derrière les façades somptueuses de leurs propriétés ? Ou leur histoire se résume-t-elle à une réussite financière ?

En quatre parties, Hernan Diaz démonte les légendes liées à ce couple l’ultra-riches en manipulant brillamment le lecteur. Comme le dit l’un des protagonistes, il faut parfois « tordre la réalité pour la faire coïncider ».

L’Épreuve

Dans une écriture d’une élégance folle, Serge Airoldi nous raconte l’histoire de son ascendant Carlo Airoldi. Celui-ci quitte sa famille de paysans de Lombardie, sa terre, pour travailler très tôt à l’usine. Mais c’est le goût de la course à pied qui l’habitera toute sa vie. Il enchaîne les compétitions toutes plus difficiles ou improbables les unes que les autres mais il n’a qu’un rêve, courir à Athènes en 1896 suite à la rénovation des Jeux Olympiques de Pierre de Coubertin.

Récit d’initiation, Carlo va tout sacrifier pour sa couronne de laurier. Magnifique texte sur l’obsession et sur la solitude du coureur de fond. Dans un monde qui s’écroule, dans cette Italie fin de siècle tempétueuse et incertaine, la seule chose qui compte c’est la ferveur et cette passion qui ne se privera pas de le dévorer, les rêves et la volonté ne sont rien face à la dureté du réel. L’apparente monotonie de cette vie est merveilleusement mise en mots par le style de Serge Airoldi.

Un coup de cœur de Christophe.

La Pire amie du monde

Cyr est un peu paumée, encore plus depuis le décès soudain de son meilleur ami. Son monde s’écroule, elle refuse la situation et se réfugie dans le montage de meuble Ikea.

On lui demande d’écrire un discours pour la cérémonie d’enterrement, mais elle n’en est pas capable. La date fatidique approche et Cyr va devoir faire face à l’inacceptable. Elle peine à trouver sa place dans ce deuil impossible.

Touchante, drôle, triste et magnifique, cette anti-héroïne est bouleversante. L’autrice questionne l’amitié homme-femme souvent dépréciée et mal jugée, mais aussi la difficulté d’être dans le deuil d’un ami…

Un coup de cœur de Charlotte.

L’Invitée

Alex est une jeune femme qui vit principalement grâce à la « générosité » de ses amants. Soigneusement choisis en fonction de leur train de vie et de leur âge, ils lui permettent une vie marginale mais précaire.

Le dernier en date, Simon, l’a invitée à passer le mois d’août dans sa villa de Long Island : un été paradisiaque s’annonce pour Alex. Mais il suffit d’un incident lors d’une soirée chez ses amis et Simon lui demande de « faire une pause » dans leur relation et de retourner à New York.

Presque sans argent, avec un sac contenant toutes ses affaires et menacée par texto par un ex, la jeune femme décide de rester sur place : elle doit tenir une semaine jusqu’à la fête qu’à prévue Simon pour le Labor Day en pensant qu’il voudra sûrement renouer avec elle.

Avec ce roman, Emma Cline dresse le portrait détonant d’une femme qui a choisi un mode de vie pour le moins fragile, fait d’humiliation et de soumission, mais qui possède aussi un certain panache à « s’inventer » à peu près partout tout en étant nulle part à sa place.

En confrontant les plus nantis à tous les autres, marginaux, ouvriers, employés, le roman aborde aussi des rapports faussés dans un monde fait d’apparence.

Un roman envoûtant et surprenant, coup de cœur d’Odile.

Chef-d’œuvre

Comment une sculpture de Richard Serra de plus de 38 tonnes a-t-elle pu disparaître sans laisser de traces ? Pourquoi le musée madrilène Reina Sofia n’a-t-il pas réagi lorsque l’entreprise qui entreposait cette œuvre l’a informé de sa faillite ?

Pour tenter de répondre à ces questions, Juan Tallón choisit de faire parler plus de 70 personnages autour de cette énigme de l’art contemporain. En mêlant fiction et réalité, il nous entraîne dans les méandres de l’enquête et dans une réflexion passionnante sur la création artistique.

Un roman captivant de bout en bout.

Un coup de cœur d’Odile.

Quel est donc ton tourment ?

« La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander : « Quel est donc ton tourment ? » »

Cette phrase de la philosophe Simone Weil donne le ton de ce roman/récit.

Sigrid Nunez y raconte son accompagnement d’une amie gravement malade qui lui demande d’être à ses côtés jusqu’au moment où elle décidera de mettre fin, seule, à ses jours.

Alternant les conversations avec cette amie, les retrouvailles avec un ex-compagnon éco-alarmiste, des anecdotes liées à son quotidien et des réflexions littéraires, l’autrice livre un roman lumineux où l’amitié, l’émotion, l’empathie et l’humour se côtoient intelligemment pour aborder notre rapport si ambigu à la mort.

Un coup de cœur d’Odile.

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok, tout comme son titre, qui est déjà trop long, ne respecte pas les règles, repousse le cadre, déborde…

Ce premier roman de la québecoise Michelle Lapierre-Dallaire remue et fascine. Elle y parle de traumas, de violences, de colère, de trop-plein constant ; de joie intense souvent, dévorante parfois ; avec une générosité remarquable – paradoxale mais sans failles.

Un livre qui sauve et/ou qui déchire et une autrice à suivre, assurément !

Un (esti de) coup de cœur pour Mathilde et Charlotte.

Les Champs brisés

Chaque année, onze mois sur douze, les Bouchers font le tour de l’Irlande et des éleveurs qui « croient » toujours (de moins en moins nombreux à l’heure de l’élevage intensif et de la vache folle) pour tuer leur bétail en respectant la tradition.

Grá, l’épouse de l’un des Bouchers vit de plus en plus mal ses absences ; Úna, leur fille, a décidé qu’elle deviendrait Boucher à son tour ; Fionn déplace du bétail du Nord au Sud pour payer les soins de sa femme…

Entre légende et politique, Ruth Gilligan emmène ses lecteur.rice.s dans l’Irlande des années 90 en pleine mutation et des personnages hauts en couleurs et en finesse.

Un coup de cœur de Mathilde.

Le Baron Wenckheim est de retour

Tous les édiles d’une ville de Hongrie sont en émoi : le baron Wenckheim est de retour après de longues années passées en Argentine. Tous comptent sur sa fortune pour financer les travaux et aménagements qui feraient revivre leur ville à l’abandon. Ce qu’ils ignorent c’est que le fameux baron revient complètement désargenté suite à des dettes de jeu et n’a qu’un seul objectif : retrouver son amour de jeunesse.

L’immense auteur László Krasznahorkai nous revient (lui aussi !) avec un roman étourdissant où les multiples personnages se répondent et communiquent comme dans un incroyable opéra parlé. Du maire au capitaine de gendarmerie, du baron au chauffeur de taxi, de l’amour de jeunesse à la bande de bikers, du professeur au bibliothécaire, l’auteur met en scène une communauté où règnent lâcheté, corruption, désenchantement, extrémisme. En maître d’œuvre intraitable, il manie le burlesque et la langue dans un flot littéraire éblouissant pour mener ses personnages vers un final surprenant.

Du grand art !

Un coup de cœur d’Odile.

Dans la réserve

La Wild French Reserve tente de préserver un des derniers espaces sauvages en France, pour cela, le parc érige d’immenses murs. Durant le chantier, des centaines d’arbres sont abattus… Le projet de la WFR va venir bousculer le parcours de Nassim, Arnaud et Eva-Lou. Chacun à sa manière va venir se frotter à des questions à la fois intimes et collectives.

Un roman aux personnages attachants, sur fond de crise écologique et capitalisme effréné.

Oiseaux de passage

Toni, professeur de philosophie cinquantenaire désabusé, a décidé de mettre fin à ses jours. Il se donne un an, d’août 2018 à juillet 2019, pour mettre de l’ordre dans ses affaires. Une année qu’il utilise également pour écrire chaque jour dans un cahier, mêlant souvenirs, quotidien et réflexions. Toni y raconte son enfance et la haine avec son frère, son mariage puis son divorce houleux, son fils très loin de l’enfant parfait. Avec son meilleur ami, il peut aussi partager des conversations où l’humour et le désenchantement se côtoient allègrement. Resurgit également dans sa vie, une ex qui semble toujours très attachée à lui.

Chronique d’une vie avec ses petites victoires et ses grandes lâchetés, un roman au pouvoir addictif qui distille subtilement cynisme, sincérité et humour.

Fille en colère sur un banc de pierre

De retour chez elle, dans une île sicilienne, après de nombreuses années d’absence, Aïda vient assister aux funérailles de son père. Présumée coupable de la disparition de sa petite sœur Mimi, elle va essayer de comprendre ce qu’il s’est passé, se déculpabiliser et se venger.

L’autrice explore de façon subtile les méandres des tensions familiales exacerbées par une tragédie.

La Mort de Vivek Oji

« Le marché fut détruit par le feu le jour où mourut Vivek Oji »: ainsi commence le nouveau roman d’Akwaeke Emezi, qui nous emmène dans la frénésie de la mère de Vivek à la recherche de réponses, dans les souvenirs d’adolescence de son cousin et même dans la poésie d’outre-tombe du protagoniste.

Entre masculin et féminin, tendresse et rage, un vrai coup de cœur viscéral pour cette quête d’identité.

Melvill

Pour raconter la naissance de la vocation littéraire chez l’auteur de Moby Dick, l’écrivain argentin centre son nouveau roman sur la figure du père de ce dernier, celui-ci agonise en proie à la fièvre et au délire, il se livre, le fils encore enfant, assis au pied du lit, recueille, attentif, ces derniers mots hallucinés.

L’œuvre d’Herman Melville, auteur magistral, incompris, bien trop en avance sur son temps et jugé comme fou dangereux par certains critiques de l’époque, puiserait-elle sa source dans cet ultime legs paternel ?

À la fois biographie inventée, roman gothique et évocation de l’amour filial, Fresán continue son travail d’interrogation sur la matière même de la fiction, oscillant sans cesse entre réalité et imagination.

Une archive

Une archive nous propose une plongée dans la plus indépendante des maisons d’édition du XXème siècle, les Éditions de Minuit.

Mathieu Lindon est le fils de Jérôme et Annette Lindon, son regard n’est évidemment pas celui d’un historien, mais offre une vision touchante et personnelle sans jamais basculer dans l’entre-soi.

Réflexion sur le métier d’éditeur et le rôle d’une maison d’édition en nous nous ouvrant les archives de la plus droite moralement et politiquement d’entre toutes. Le fils déconstruit le travail du père jamais pour le dénigrer, toujours pour le louer.

Exercice d’admiration plein de sensibilité, la petite histoire dans la grande histoire des lettres et des formes.

L’Allègement des vernis

Aurélien est conservateur au département des peintures au Louvre. Il se sent un peu dépassé en général et en particulier avec la nouvelle directrice du musée, Daphné. Quand celle-ci décide de suivre les conseils marketing d’une grande agence pour relancer les visites du Louvre, notre poussiéreux conservateur se retrouve à mener une mission assez périlleuse : restaurer l’intouchable Joconde.

Ce roman, qui frôle le thriller muséal, nous fait pénétrer l’univers confidentiel des conservateurs et des restaurateurs. Truffé de références et de connaissances, ponctué de cynisme et d’humour, on suit les péripéties d’Aurélien avec plaisir et curiosité.

Passionnant !

Le Passager

Êtes-vous prêts à vivre une « expérience littéraire » ?

Acceptez-vous de ne pas avoir toutes les réponses aux énigmes abordées dans ce roman ? Pensez-vous que des dialogues anodins peuvent cohabiter avec des conversations métaphysiques, mathématiques ou scientifiques ?

Si vous avez répondu majoritairement oui à ces questions, foncez sur le nouveau roman de Cormac McCarthy et suivez l’errance mélancolique de Bobby Western, plongeur de récupération, hanté par le suicide de sa sœur et dont la vie est probablement en danger à cause d’une mystérieuse épave d’avion.

Alternant entre le récit des hallucinations de la sœur schizophrène et les pérégrinations de Bobby, ce roman déroutant, envoûtant et interpellant parle de solitude et de noirceur humaine avec ce style caractéristique de l’auteur alliant simplicité et superbe lyrisme.

Ne reste plus qu’à attendre le « préquel » du roman, intitulé Stella Maris et qui sortira début mai.

Un coup de cœur d’Odile.

Les Ravissements

En 1993, dans une petite ville d’Irlande du Nord, une étrange épidémie frappe les enfants d’une classe du primaire. Seule Hannah, fille d’un pasteur fondamentaliste protestant, semble échapper à la maladie. Encore plus étrange, elle reçoit la visite des fantômes des enfants décédés…

Une fois de plus, Jan Carson nous entraîne dans une histoire qui mêle le réalisme magique à des problèmes contemporains, en pleine période des « Troubles » en Irlande.

En analysant une communauté confrontée à la tragédie, elle explore, entre autres, le sentiment de culpabilité, la relation à la foi et le repli sur soi avec une modernité de ton qui fait d’elle une autrice à découvrir et à suivre de toute urgence.

Un coup de cœur d’Odile, Julie et Caroline.

Qui sème le vent

Jas a dix ans et vit aux Pays-Bas dans une famille de fermiers protestants orthodoxes. Entre la vie à la ferme, les relations familiales et le passage vers l’adolescence, elle évoque son quotidien avec son ressenti d’enfant, passant d’une forme de poésie pure à un réalisme très cru. Mais, lorsque le frère aîné se noie en patinant, toute la famille sombre petit à petit dans le marasme.

Avec ce premier roman, Marieke Rijneveld signe un texte intense et âpre sur le destin d’une enfant incapable de faire son deuil au sein d’une famille où règne le non-dit.

Un roman fulgurant.

Un coup de cœur d’Odile.

Tomber

« Père communiste. Mère malade. Fille résignée. Fils revanchard. Une famille cubaine et la bicyclette du Che. »

À Cuba, au sortir des années dures, un appartement, des appels téléphoniques anonymes, des vols d’essence, de l’amour et de la rancœur, des contradictions et la maladie qui grandissent, l’histoire compliquée du pays toujours en filigrane.

Ce roman ne peut être décrit qu’en pointillés mais nous promettons une écriture piquante, poétique, brûlante.

Un coup de cœur de Mathilde.

Je ne suis pas là

Aujourd’hui… Léo a 15 minutes pour rejoindre à vélo son appartement et tenter d’éviter un drame.

Il y a un an… Simon rentre tard d’une soirée, réveille Léo et, très excité, lui montre l’étrange tatouage qu’il s’est offert derrière l’oreille. C’est le début d’une escalade dans le changement de sa personnalité.

Flashback… Léo et Simon se rencontrent pendant leurs études. Ils s’installent ensemble. Elle est scénariste et travaille dans une boutique de vêtements en attendant mieux. Il est graphiste pour une boîte privée. Des blessures communes ont solidifié leur amour et leur union. Mais quelle attitude adopter quand l’homme que vous aimez devient petit à petit un étranger ?

Lize Spit, jeune autrice belge révélée avec Débâcle, signe un 2ème roman où l’histoire intime se mêle de nouveau intelligemment à un habile suspens. Sa capacité à décrire ses personnages, leur quotidien, leurs réactions plonge le lecteur au cœur du roman, tel un spectateur abasourdi assis dans un coin de la page…

Un coup de cœur d’Odile.

Pleine et douce

Stéphanie voulait un enfant toute seule et c’est bien sans mari qu’elle accouche d’Ève. Mais elles sont bien entourées et c’est tout un orchestre de femmes que nous suivons pendant une semaine, où l’on prépare la fête du nourrisson. D’Ève, elle-même dans son berceau, à la grand-mère amère en passant par les tantes et les cousines, ce roman choral nous livre le portrait généreux et pluriel de trois générations, sans jamais tomber dans le lieu commun.

Un coup de cœur de Mathilde.

Poète chilien

Roman lumineux sur la famille que l’on choisit, ces liens que l’on se décide à tisser avec les uns, les nouvelles branches généalogiques qui en germent et les différents rôles que l’on endosse tout au long de la vie, enfant, ami, amant, parent.

Gonzalo, aspirant poète puis enseignant, retrouve par hasard dans une boîte de nuit de Santiago, Carla, son grand amour de jeunesse. L’attirance semble intacte mais celle-ci est désormais la mère d’un garçon de 6 ans, Vicente. Gonzalo en devient le beau père.

Sur plus de deux décennies, à partir de 1991, au sortir de la dictature, nous allons suivre ces attachants personnages avancer dans la vie, se questionnant sur ce qui fondamentalement construit notre identité aussi bien individuelle que collective, avec chevillé au corps cet amour pour la poésie.

Le roman d’Alejandro Zambra nous montre combien la poésie est un art central au Chili, les poètes comme pères fondateurs et mères fondatrices du Chili : Milian, Parra, Mistral, Huidobro, Neruda et les autres s’imposent en figures totémiques, en héros nationaux. Mais on ne se complaît jamais dans un passé fantasmé, la poésie ce sont les poètes d’aujourd’hui, ceux qui souffrent et se font l’écho d’une société chilienne toujours en lutte contre les inégalités. La poésie comme communauté de destin.

Une chronique pleine de tendresse et d’intelligence.

Un coup de cœur de Christophe.

Jusqu’au prodige

1944. Après avoir passé quatre ans dans une ferme censée être son refuge mais devenue sa prison, Thérèse trouve le courage de fuir le Chasseur. S’adressant à son frère, qu’elle tente de rejoindre à travers bois et montagnes, elle raconte les traques du Chasseur, la guerre, la fuite, la nature, l’espoir.

Sous des allures de récit initiatique (et presque de conte fantastique), Fanny Wallendorf  dépeint le monde sombre de la guerre des hommes et livre un portrait de femme lumineux.

Un coup de cœur de Mathilde et Julie.

Ligne de fuite

L’art et la beauté du monde peuvent-ils nous sauver ?

À 25 ans, Frankie vient de terminer des études d’art à Dublin. Revenue en catastrophe chez ses parents, elle demande à sa mère de pouvoir occuper la maison de sa grand-mère décédée deux ans plus tôt et pas encore vendue. Car Frankie va mal : incapable de s’adapter aux diktats de la société, elle en vient même à douter de sa vocation artistique. Seule dans cette maison en pleine campagne, elle traîne, observe et associe ses pensées et ses réflexions à des installations et des performances d’artistes.

Un superbe roman en forme d’errance mélancolique et artistique qui interroge notre capacité à trouver du sens à notre présence au monde.

Un coup de cœur d’Odile.

Astra

Astra est une jeune fille qui grandit, solitaire, dans une ferme au Canada, sa mère décédée en couche, abandonnée par son père, son enfance trop libre va avoir sur elle des répercussions tout au long de sa vie. Les stigmates physiques et psychologiques de cette absence de cadre et d’attache vont la rendre vulnérable.

Elle est racontée par les autres, qui vont dire sa profondeur et la complexité de sa personnalité. Astra va malgré tout traverser la vie avec fougue et résilience.

Une héroïne attachante, forte et fascinante.

Un coup de cœur de Julie.

Mal d’époque

Roman argentin entremêlant deux récits, Mal d’époque nous raconte l’histoire de FG, soldat complètement paranoïaque de retour au pays, à Buenos Aires, perdu dans un monde qu’il ne comprend pas, oscillant entre trauma et délire ainsi que celle d’une jeune chercheuse en déplacement à Bordeaux à la recherche d’informations sur Albert Dadas, un « fou voyageur », cas psychiatrique réel ayant vécu au XIXème. Sujet libre ne supportant pas l’autorité et fuyant les lieux de discipline, pris pas une irrépressible envie de marche.

Roman du retour et de la fuite, de l’aliénation moderne et de l’errance comme possibilité de libération.

María Sonia Cristoff, après Faux calme paru en 2019 toujours aux Éditions du Sous-Sol, continue de tracer la voie d’une œuvre singulière placée sous le signe du voyage et de la poétique du mouvement.

Un coup de cœur de Christophe.

Le Vingtième siècle

Récit fragmentaire en constant déploiement, roman polyphonique virtuose noué autour de la figure mythique de Walter Benjamin. Aurélien Bellanger, à travers un dispositif narratif fait de lettres, de témoignages, de rapports, d’articles cherche à nous raconter les raisons du suicide du philosophe et nous fait partir à la recherche d’un mystérieux manuscrit perdu.

Une construction savante, pour un texte jeu de piste, nous baladant entre réalité et fiction, entre culture juive, pensée universitaire, ultragauche et évocation de l’Europe des années 30 sombrant peu à peu dans le chaos.

Bourré d’érudition sans jamais être plombant ou pompeux pour autant, un vrai tour de force.

Un coup de cœur de Christophe.

Qui se souviendra de Phily-Jo ?

À qui profite le crime ?

Phily-Jo a-t-il conçu une machine à énergie livre (la « Freepow ») dans les années 90 ? Sa mort était-elle un accident, un suicide, un meurtre ? Pourquoi ne trouve-t-on aucune trace de la machine ?

Abordant l’histoire de différents points de vue, Marcus Malte nous embarque avec brio et un sens de l’humour omniprésent dans une incroyable histoire de manipulation… gouvernementale, complotiste, littéraire ? Pour ma propre sécurité, je n’en dirai pas plus sinon de vous conseiller ce formidable roman à l’actualité « brûlante ».

Un coup de cœur d’Odile.

Antiquités

Lloyd Wilkinson Petrie, vieil homme aigri et contrarié, réside à l’Académie du Temple en tant que membre du conseil d’administration, les locaux froids de cette ancienne école pour garçons reconvertie en « boys club » pour retraités, lui rappellent des souvenirs de sa propre jeunesse.

Il se décide à rédiger ses mémoires, il divague, évoquant son ancienne secrétaire, son père, son voyage en Égypte et son retour auprès de l’épouse éplorée, submergé les antiquités.

Enfin, mais surtout, le sujet sur lequel il veut se concentrer : sa relation avec Ben-Sion Elephantin, élève laissé à l’écart et moqué de tous. Sa judéité, son nom et son caractère étrange lui valurent ce statut de paria, mais attirèrent le narrateur, lui aussi peu sociable. De partie d’échecs en partie d’échecs, une amitié se noue…

Mais ce narrateur est-il bien fiable ? Dans quel recoin peut bien trainer une mémoire qui semble divaguer ? Sous la tutelle d’Henry James, Cynthia Ozick nous livre un conte bien mystérieux sur la vieillesse et sur le temps qui passe.

Un coup de cœur de Christophe.

Le Dernier des siens

1835, Gus, un jeune scientifique du musée d’histoire naturelle de Lille est envoyé en Europe du Nord pour y étudier la faune. Il se retrouve un peu malgré lui spectateur d’un massacre de grands pingouins, il va récupérer in extremis un spécimen blessé mais vivant pour l’envoyer à Lille.

Un attachement inattendu, sincère et profond va se nouer entre l’oiseau et le scientifique. Ce grand pingouin sera le dernier de son espèce, totalement décimée par l’Homme.

C’est un roman très touchant que nous offre Sibylle Grimbert, qui nous encourage à penser notre humanité, notre relation à l’autre, à l’animal. Une réflexion profonde, qui fait évidemment écho avec ce que nous vivons aujourd’hui…

Un coup de cœur de Charlotte.

La Vie clandestine

En 86, Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon d’Action directe assassinent dans la rue George Besse, le patron de la régie Renault.

Durant la même période, Monica Sabolo grandit dans une famille suisse bourgeoise où tout est compliqué et vicié par le secret. Elle va mêler deux récits, celui de son enfance et celui de l’enquête qu’elle mène sur le mouvement terroriste français d’extrême gauche des années 80. Elle trouve dans ses rencontres avec Joëlle, Nathalie et les autres camarades de lutte d’Action directe de troublants échos avec sa vie personnelle, ce qui rend ce roman politique sensible et passionnant.

Difficult women

L’écrivaine et essayiste Roxane Gay nous livre avec Difficult women un recueil de nouvelles déroutantes, parfois cruelles mais toujours profondément humaines. Les femmes qu’on y rencontre forment un chœur marginalisé et résilient qui nous conte tantôt le quotidien, tantôt l’inimaginable…

Un livre que l’on dévore, mais qui nous habite longtemps !

Ils vont tuer vos fils

Guillaume aime vivre frénétiquement, Guillaume tombe amoureux intensément, Guillaume préfère son alter-ego Rafaella en robes et pantalons à fleurs et surtout Guillaume ne voit pas le problème à tout ça. Mais lorsqu’une juge prend ses histoires à l’envers et accuse sa mère de ne pas lui offrir de figure paternelle, pour le protéger de lui-même, il est placé en foyer puis en hôpital psychiatrique.

S’emparant de sujets brûlants sans timidité, comme son personnage, Guillaume Perilhou nous offre un récit ardent, fantasque et violent mais généreux.

GPS

Les trois dernières fois qu’Ariane est sortie de chez elle, elle s’est « effondrée sur le trottoir ». Alors, pour forcer son amie à voir du monde et la mener sans encombre à sa fête de fiançailles, Sandrine lui partage sa position GPS. Ce point sur l’écran prend une nouvelle importance lorsque, le lendemain de la fête, Sandrine a disparu… Mais que le point est toujours là et se déplace. Sans en parler à personne, Ariane ne quitte dès lors plus son téléphone des yeux et se laisse entraîner dans une promenade effroyable et papillonnante sur la carte… et dans la spirale de ses propres pensées. On y est happé.es dès les premières pages.

Appelez-moi Cassandre

Rauli a dix ans et, depuis qu’il a lu l’Iliade, il sait que derrière son apparence de frêle garçon un peu perdu, il est Cassandre, qui voit l’avenir mais n’est jamais crue. Avec lui, nous sommes à la fois dans son appartement en bord de mer à Cuba observant sa mère l’habiller en fille, et en Angola, où il sera guerrier, déshabillé tous les soirs par son capitaine. Un roman puissant, d’une exceptionnelle poésie, entre histoire et mythologie, rêve et cruauté.

Les Enfants endormis

Un récit en deux temps, où l’auteur nous raconte la découverte du virus du sida en France et aux États-Unis, et l’histoire beaucoup plus personnelle de sa famille dans l’arrière-pays niçois. C’est le roman d’une ascension sociale dans un petit village et le fracas de la maladie qui vient tout bousculer.

Autant sociologique qu’intime, Anthony Passeron nous dit la lutte contre le sida dans les hôpitaux, comme dans les familles, le déni face à celui-ci, le territoire inconnu que cela représentait.

Une lecture bouleversante.

Le Trésorier payeur

Au début des années 90, le jeune Bataille arrête la philosophie pour aller travailler dans la succursale de la Banque de France à Béthune. Les ravages du néolibéralisme commencent à se faire sentir, la vie du trésorier-payeur devient alors une vie de passions, la charité et l’érotisme pour résister de l’intérieur au monde du calcul. L’amour fou plus fort que la loi du marché.

L’Espion qui aimait les livres

Silverview, petit village de bord de mer du Norfolk se transforme en nid d’espions tous plus banals les uns que les autres. Roman posthume du maître de l’espionnage, le Carré dresse un portrait acide des services secrets britanniques dans une écriture toujours aussi précise et élégante. De quoi peut bien rêver un pays privé de sa grandeur ?

La Ville des vivants

Reconstruction romanesque d’un fait divers macabre ayant eu lieu à Rome en 2016, deux jeunes hommes sans histoire torturent et tuent le dénommé Luca Varani sans mobile apparent. L’auteur se lance à la recherche de l’humanité des protagonistes, qu’a-t-il bien pu se passer pour en arriver là ? Un De sang froid dans une ville éternelle bien éloignée des cartes postales.

Comment font les gens ?

Anna, la narratrice de ce roman aux allures de Mrs Dalloway contemporain, est éditrice sous les ordres d’une dictatrice, et se débrouille comme elle peut avec la vie, c’est-à-dire plutôt mal. Elle endigue. Elle encaisse. Elle se souvient, aussi.

Coincée entre une mère féministe mais atteinte d’une forme de joyeuse démence, trois filles à l’adolescence woke et un mari au sourire fuyant, entourée d’un cordon sanitaire d’amies, Anna pourrait crier, comme on joue, comme on pleure, « Arrêtez tout ! », mais ça ne marche qu’au cinéma.

Comment font les gens ? Pour tout faire ? Pour ne pas être entamés par le malheur ambiant ? Pour mener leur vie avec tant de certitudes ?

Il y a du Virginia Woolf déjanté dans ce roman de la charge mentale, mais aussi du Françoise Sagan : chaque phrase vise juste, replie le présent déceptif sur le passé enchanté.

Dans un mélange inimitable de drôlerie décalée, d’observation d’un quotidien détraqué et d’émotion à fleur de peau, Olivia de Lamberterie a écrit un roman parfaitement juste sur notre société dans lequel chacun se retrouvera.

Nous avons le plaisir de recevoir Olivia de Lamberterie à la librairie pour la signature de son roman, Comment font les gens ? aux éditions Stock le mardi 27 septembre 2022 à 18h.

Un singe à ma fenêtre

Partir au Japon avec un objectif précis : interroger les témoins des terribles attentats au gaz sarin survenus à Tokyo en 1995. Obtenir une bourse. Réaliser assez vite que les « témoins » s’ont guère de souvenirs des événements mais presque toujours quelque chose à raconter. Accepter que le projet prenne une autre direction et interroge sur la signification du souvenir, de l’oubli, des disparus. Observer et peut-être apprivoiser une autre culture. Se demander quelles véritables motivations ont déclenché l’élaboration de ce projet. Et enfin, écrire un livre intelligent, puissant et bouleversant.

Un coup de cœur d’Odile et Caroline.

Moi qui ai souri le premier

Un texte brûlant dans lequel l’auteur nous raconte trois souvenirs de jeunesse, où l’amour se révèle violence, où les rencontres se meuvent en trahison. Mais c’est aussi un récit empreint d’une farouche liberté et d’une quête infinie de lumière, malgré le fracas des blessures.

Un coup de cœur de Charlotte.

L’Évaporée

S’il s’agit de rupture dans ce récit à quatre mains, c’est que les deux autrices cherchent à en comprendre le sens. Une histoire d’amour peut-elle être vécue de deux façons totalement différentes ? Pourquoi une femme qui vient de dire « Quels merveilleux moments j’ai passés avec toi aujourd’hui encore, je veux ça tous les jours de la vie », partirait-elle, seule au milieu de la nuit, abandonnant l’autre à ses questions ?

Ce très beau roman, en alternant les points de vue des deux femmes, interroge la possibilité d’une relation durable.

Un coup de cœur de Julie.

La Treizième heure

Farah, une jeune adolescente, grandit au sein de l’église de la Treizième heure, le culte (qui célèbre la beauté, la poésie et la vérité) fondé par son père, Lenny. Entre tous les membres de ce groupe fantasque, Farah tente de trouver sa place, ce qui n’est pas évident quand un mystère plane autour de l’identité de sa mère.

Un roman de la recherche de soi, de qui nous sommes, êtres profondéments complexes et désirants, humains jusqu’au bout.

Immense coup de cœur de Mathilde et Charlotte.

Mokhtar et le figuier

Mokhtar et le figuier est un de ces romans qu’on lit en une bouchée mais dont on garde longtemps le goût en bouche !

Son auteur nous raconte l’Algérie vue par les yeux d’un enfant, Mokhtar, dont la famille déménage de la campagne à la ville. Ils quittent alors le douar, le figuier et les grands-parents pour la mer, le cinéma, l’école… le tout à l’aube de la révolution.

Un coup de cœur pour Mathilde.

Vivance

David Lopez nous invite à un voyage inhabituel où il est question de parcourir les routes à vélo à cause d’un chat disparu. Il y a des rencontres anodines, heureuses, dangereuses, une crue dévastatrice, un voisin envahissant, un pinceau plat de 4cm pour repeindre une façade… Une multitude de petites choses qui font jaillir la « vivance » dans le quotidien du narrateur.

Avec une grande modernité de ton, l’auteur nous entraîne dans un tourbillon de sensations et de ressentis atypiques mais toujours infiniment humains.

Un coup de cœur d’Odile et Charlotte.

Jean-Luc et Jean-Claude

Comme tous les jeudis, Jean-Luc et Jean-Claude peuvent aller prendre une boisson au bar du centre-ville. Mais cette fois, un enchaînement de micro-événements fait déraper cette sortie au point d’inquiéter sérieusement la directrice de leur foyer.

Outre les deux personnages principaux, l’auteure crée une galerie de personnages secondaires servant astucieusement l’intrigue de ce premier roman sociétal et altruiste.

Un coup de cœur d’Odile.

Fantaisies guérillères

Wow ! Un premier roman complètement dingue qui réécrit l’histoire de la plus famous des pucelles de France, avec un langage barré, entre l’anglais et le français médiéval.

Yolande d’Aragon, dite YO, lassée de la présence des English sur le Royaume de France décide de prendre les choses en main. Elle crée en secret une école militaire pour une douzaine de petites Jehanne, dans l’espoir qu’une des jeunes filles se révèle être la prophétesse annoncée pour sauver le pays. Entre formation au krav maga, stratégie pour éviter le bûcher et apparitions hallucinées, YO nous embarque dans sa quête.

Une lecture déjantée, légendaire, ponctuée et rock’n’roll !

Un huge coup de cœur de Charlotte.

L’Été où tout a fondu

Ohio, été 1984. Le juge Bliss, en questionnement sur le bien et le mal, passe une annonce dans le journal et invite le diable à le rencontrer. Celui qui répond à l’invitation est un jeune afro-américain de 13 ans qui tient des propos énigmatiques. Peu après son arrivée, plusieurs incidents surviennent et une terrible canicule s’abat sur la ville : autant d’éléments qui vont attiser la peur et la haine parmi les habitants.

Avec le talent de conteuse qu’on lui connaît, Tiffany McDaniel déroule un été où tout bascule dans la famille Bliss face à l’intolérance, au racisme, à l’homophobie et au repli sur soi.

Un roman intense et bouleversant où le drame côtoie aussi des moments de pure poésie.

Un coup de cœur d’Odile.

Le Pion

À travers les 77 coups de la partie d’échecs jouée à Stockholm à l’hiver 62 entre l’américain Bobby Fischer et l’espagnol Arturo Pomar, Paco Cerdá nous offre une réflexion sur l’instrumentalisation sous la guerre froide, l’un étant le pion des américains, l’autre des franquistes.

Aux portraits de ces deux joueurs s’ajoutent ceux de tous ces sacrifiés dépassés par les évènements, époque où la duperie était reine et les faux-semblants au cœur d’un jeu trouble.

Un coup de cœur de Christophe.

Oh, Canada

Léonard Fife, documentariste canadien réputé, accepte une interview filmée par un de ses anciens élèves. Alors qu’il se sait en fin de vie, Léo se livre comme jamais à la caméra et raconte un parcours bâti sur des mensonges à répétition.

Livre testament, tentative de rédemption, ce roman magistral nous entraîne dans les méandres de la mémoire d’un homme faisant face à ses démons. Un coup de cœur d’Odile.

L’École de Topeka

Voici un nouveau coup de cœur de la rentrée, qui vous est offert par Odile.

Dans les années ’90, la famille Gordon incarne la classe moyenne américaine progressiste : un père psychologue, une mère auteure d’essais féministes à succès et le fils, Adam, ado passionné par les mots et champion d’éloquence de son lycée. À travers leur quotidien, Ben Lerner analyse une société en proie à l’insatisfaction, au sexisme, à la trahison, à la lâcheté et à une violence latente : multiples indices annonçant l’Amérique ultra-conservatrice de ce XXIème siècle.

Brillant !

Les Abeilles grises

Écrit il y a deux ans, publié en français à la veille de l’invasion russe, Les Abeilles grises dépeint une autre réalité de la guerre, celle du conflit long, du temps arrêté et de l’absurdité du quotidien. Dans un village abandonné sur la ligne de front du Donbass, seuls deux habitants sont restés garder leurs maisons : le narrateur, apiculteur thérapeutique, et son « ennemi d’enfance ». Râleurs mais tendres, ils veillent l’un sur l’autre… et attendent.

Andreï Kourkov, qui a depuis repris sa plume de journaliste politique, nous offre ici une fable douce-amère mais nécessaire.

Le Voyage sans fin

Dans cette pièce (presque) inédite, Monique Wittig s’empare du Don Quichotte de Cervantès et en propose un détournement jouissif, cent pages entre théâtre, cinéma et pamphlet. Nous découvrons une Quichotte au féminin, qui écrit ses propres livres, fait appel aux femmes de l’Histoire et de la mythologie, libère des galériennes et se bat, évidemment, contre des moulins à vent…

Tout en poésie, dans une langue réfléchie et drôle, cette pièce (presque) inédite est une expérience à part entière, et une très bonne porte d’entrée pour découvrir son autrice.

Le Couloir rouge

Quatre amis passés par le continent asiatique se retrouvent chaque mois dans un restaurant vietnamien à Paris, l’occasion de refaire le monde. Ce soir-là c’est surtout Marco qui va prendre la parole pour un voyage au cœur de ses ténèbres personnels, dans le Vietnam des années 70. Parti pour trouver un sens à sa vie, il risque surtout de s’y perdre…

Roman initiatique sous le patronage de Conrad et du Malraux de la Voie Royale.

Attends voir

Un polar à la sauce OULIPO ou quand Raymond Chandler rencontre Georges Perec. Kévin Prou surveille pour le compte d’une agence les faits et gestes de ses cibles et note consciencieusement dans son carnet les micro actions, comme autant de départs à enquête, d’une vie de quartier somme toute banale mais Ray Duluc, chapardeur de flans et de babas, rôde dans l’ombre… Aussi foutraque que jubilatoire.

Embrasser Maria

Dans un appartement parisien, Sophia, 95 ans, raconte ses souvenirs à un mystérieux interlocuteur. Bien que n’apparaissant sur aucune photo, elle a été la meilleure amie de Maria Callas et tient à rétablir la vérité sur son histoire. À travers cette « vraie-fausse » biographie, Sophie Rabau réinvente la vie de la diva en se jouant de tous les clichés liés à son parcours. Un hommage malicieux, intelligent et surprenant.

Les Filles d’Égalie

En Égalie, ce sont les femmes qui ont le pouvoir. Dans cette société matriarcale, un jeune adolescent se trouve confronté à l’impossibilité de réaliser son rêve : devenir marine-pêcheuse. Car les hommes restent au foyer et élèvent les enfants… Écrit en 1977 et enfin traduit en français, ce roman norvégien toujours d’actualité mêle brillamment la parodie à une fine analyse d’une société dominée par un genre. L’impressionnant travail de féminisation de l’écriture permet de réaliser à quel point les inégalités sont véhiculées dans le langage.

Des sirènes

En faisant appel aux motifs mythologiques des sirènes et des îles, avec mélancolie et tendresse, Colombe Boncenne nous livre l’histoire d’une mère et sa fille.

Lorsque l’on diagnostique à sa mère un cancer (elle a de « petites îles noires » sur la peau), la narratrice l’accueille chez elle, et accompagne ses séjours de plus en plus longs à l’hôpital. Ce sera l’occasion surtout pour les deux femmes, encouragées par l’urgence de la maladie et cette toute particulière routine de la vie qui attend de reprendre des droits, de révéler des secrets de famille, des expériences qui les relie.

Avec Des sirènes, troisième roman de l’autrice, colère et pudeur se rencontrent et résonnent en chœur.